dimanche 22 novembre 2009
Motown et Michael Jackson
vendredi 20 novembre 2009
Motown aujourd'hui : un processus d'intégration
On ne pourra pas nier à Berry Gordy sa lucidité : "When I was 11 years old I was taking black newspapers into white neighborhoods to sell them, because I liked those newspapers, so I thought other people would like them, too. The first week I sold a lot of papers because I was cute. I took my brother the next week and didn’t sell any. One black kid was cute. Two—a threat to the neighborhood". Un peu comme les Auvergnats chez nous, en quelque sorte...
Cette opposition met en outre l'accent sur un rivalité géographique Nord / Sud, où seul le Sud, authentique berceau de la Soul, pourrait se targuer d'en produire, à la différence du Nord industriel. Cette distinction Nord / Sud est cependant réelle, comme en témoigne la façon dont Berry Gordy considérait le saxophoniste Junior Walker, originaire de l'Arkansas qu'il signa pourtant, ainsi que le raconte Francis Dordor, dans son évocation en 15 titres de Motown pour les Inrocks : "Au début Berry Gordy, patron de la Motown, ne semblait guère empressé d’accueillir un ensemble instrumental au sein d’une écurie constituée essentiellement de groupes vocaux, Temptations et autres Supremes. 'Ce plouc ne sait pas chanter. Et il ne sait pas lire non plus' répétait-il, faisant référence à l’illettrisme du saxophoniste qui avait signé son contrat sans pouvoir en déchiffrer le moindre mot, ce qui entre parenthèses nous en dit assez long sur le mépris des noirs urbains du nord envers ceux, ruraux , du sud".
Beaucoup plus trivial et pragmatique, Otis Redding expliquait la différence entre Stax et Motown par le fait que chez cette dernière, on faisait beaucoup d'overdubs lors des enregistrements. Alors que chez Stax, tous les instruments étaient enregistrés en même temps. Question technique donc, Stax mit aussi pas mal de temps avant d'investir ne serait-ce que dans un 4 pistes, or comme le dit Otis, "you can't overdub on a one-track machine".
Par ailleurs, il est même étonnant de lire un témoignage de Jerry Wexler, d'Atlantic Records, qui distribuait les disques Stax, qui confessait que leur musique était fréquemment qualifiée de "Motown Music" par le grand public ! "Which is a great tribute to Berry. That's why nowadays it takes people with more of an acute consciousness to distingush between Motown and all of our music : early Atlantic, southern Atlantic, Memphis, Muscle Shoals, Miami. Which was closer to the root. (...) But it didn't get us the fantastic global recognition that Motown got. People hear Wilson Pickett today and they think, "Motown" (...) It's the best measure of how much Berry Gordy accomplished. It takes people who are true fans - not just listeners - to have the energy and the drive to make that distinction" (David Simons, Studio Stories, BackBeat Books, 2004, pp. 107-108).
Berry Gordy lui-même a revendiqué le terme de pop pour qualifier la musique de Motown : pop, ça veut dire populaire et si vous vendez des millions de disques, vous êtes forcément populaires. “When I started in music,” he says, “it was for the cops and robbers, the rich and poor, the black and white, the Jews and the Gentiles. When I went to the white radio stations to get records played, they would laugh at me. They thought I was trying to bring black music to white people, to ‘cross over,’ and I said, ‘Wait a minute—it’s not really black music. It’s music by black stars.’ I refused to be categorized. They called my music all kinds of stuff: rhythm and blues, soul.… And I said, ‘Look, my music is pop. Pop means popular. If you sell a million records, you’re popular.’” D'ailleurs, le slogan de Motown, à partir de 1966, sera : “the sound of young America”, et non pas the sound of Black America .
En plein mouvement pour les Droits Civiques, Sam Cooke incarnait une forme radicale de cross-over, alors même que dans la forme ses chansons et leurs arrangements pouvaient paraître empreintes de concessions. Sam Cooke, à sa façon, va tomber des barrières, la première en abandonnant le gospel pour se lancer dans une carrière profane, la deuxième en visant le succès pop, c'est-à-dire à être apprécié aussi bien du public blanc que du public noir. "You have to be universal" !
Le succès de Harry Belafonte est une inspiration pour Sam Cooke à l'aube de sa carrière profane, et pas seulement pour l'influence calypso. La bonne présentation de celui-ci, qui ruine les stéréotypes sur les Noirs, est un modèle qu'il fait sien. Il cultive un look BCBG "Ivy League" du meilleur goût. Il faut, en effet, ne pas avoir l'air menaçant pour le Blanc, sinon il ne laisserait jamais sa fille dans les parages... Sam Cooke cultive donc cette élégance et cette distinction qui lui permette de dire : "when they see me, I'm the perfect american boy. That's all they can say about me". Pour autant, jamais il ne s'est renié : il fut ainsi un des premiers artistes noirs de premier plan à cesser de se défriser les cheveux.
Et aussi l'ambition, soutenue par une confiance en son talent en béton. "I have the natural desire to be recognized as being 'the best there is' in my chosen field, and for obtaining the material things that such recognition brings. But in my case it goes even deeper than that" ("j'ai le désir naturel d'être reconnu comme 'le meilleur qui soit' dans la catégorie que j'ai choisie, et d'obtenir les biens matériels qu'une telle reconnaissance apporte. Mais dans mon cas, ça va même bien au-delà de ça", Peter Guralnick, Dream Boogie, p. 336). Il a envie d'être reconnu à sa juste valeur par tous, sans distinction de classe ni de couleur.
SAM COOKE A change is gonna come
La Gordy Family
Pour comprendre comment cette famille put connaître la prospérité, il faut remonter encore d'une génération, avec la naissance de Berry Gordy, premier du nom. Celui-ci est le fils de Jim Gordy. Jim Gordy est un Blanc, un propriétaire terrien qui possèdent quelques esclaves. Est-ce en raison de ses valeurs chrétiennes ou d'une sincère affection pour sa partenaire esclave, Esther Johnson, toujours est-il qu'il prit soin de son fils bâtard Berry (1854-1913). Lequel reçut la même éducation qu'un enfant blanc de son âge et apprit donc à lire et écrire.
Berry Gordy, premier du nom, est petit, petit mais cotaud, clair de peau, et possède un caractère bien trempé, du genre têtu... Il épouse Lucy Hellum (métisse noire et indienne), ensemble ils auront 23 enfants dont 9 seulement survivront... Dont un Berry, né le 10/7/1888.
Reconnu par ses voisins, aussi bien Noirs que Blancs, comme un leader, un big dog, Berry I réussit à économiser pour acheter 168 acres à Oconee County (Géorgie), dans les années 1890, quand un siècle plus tard, la majorité des Noirs est toujours constamment endettée auprès des propriétaires blancs. Berry I et sa femme notaient les moindres dépenses et rentrées d'argent... Ainsi, ils ont évité de s'endetter et personne ne pouvait contester ce qui leur était dû.
Pour un Noir, c'était alors la meilleure opportunité professionnelle imaginable. Le Journal of the Negro Race écrivait, en 1947, que "quand les autres fabricants restraignaient les travailleurs noirs à diverses corvées et aux tâches d'entretien, Ford les employait pour du travail qualifié et les mettaient sur les chaînes de montage, au même titre, et en compagnie, de travailleurs blancs" (cf. Nelson George, p. 8)". Trente ans plus tard, ce ne sera plus le cas.
Pourtant, les choses ne sont pas simples pour Berry Gordy II. La fortune que représentait le chèque a été partagé à parts égales entre tous les membres de la famille et la somme qui lui reste est, par conséquent, bien modeste. Qu'importe, il est dur à la tâche, motivé et possède, comme son père, un sacré esprit d'entreprise. Il apprend d'abord le métier de plâtrier, après avoir remarqué que celui-ci payait bien. Quelques années plus tard, il ouvre la Booker T. Washington Grocery Store, et crée une entreprise de plâtrier et de charpentier, ainsi qu'une imprimerie. Le choix du nom est porteur de sens. Booker T. Washington, fondateur de l'Université de Tuskegee et auteur de Up From Slavery, est un militant de l'élévation et de l'intégration du peuple noir aux Etats-Unis. Les valeurs transmises par les parents Gordy à leurs enfants sont les siennes : "sweat and labor, along with education, as the only viable tools for the attainment of equality" (le travail et l'éducation sont les seuls moyens fiables d'atteindre l'égalité).
Le père Berry se consacre à son entreprise, sa femme Bertha étudie (commerce, économie). En 1945, elle est une des trois co-fondatrices de Frienship Mutual Life Insurance Company et milite au Parti Démocrate.
Les deux plus jeunes fils, Robert et Berry, sont moins motivés par le travail manuel que la danse et la musique.
Berry est déjà attiré par la réussite et l'argent mais cherche à fuir un travail aux horaires trop strict. Il se cherche mais quand il trouve une voie, il s'engage à fond, avec détermination et motivation. C'est ainsi qu'il se lance dans une carrière de boxeur, qu'il abandonne vite. Sa passion étant le jazz, contemporain du be-bop, il admire Monk et "Bird". Outre leur musique, il apprécie leur style, leur parler. Il s'imaginait plus hip et cool qu'il ne l'était vraiment (après tout, il vient d'un milieu où l'éthique est celle du travail, ce qui doit laisser des traces).
En 1953, il ouvre la 3-D Record Mart, un magasin de disques. Pour Berry Gordy, le jazz est de l'art. Mais il peine à vendre suffisamment et doit mettre la clé sous la porte deux ans plus tard. Il se retrouve alors dans l'embarras. Sans emploi ni diplôme, déjà père de famille... Il sera donc contraint de faire ce qu'il a toujours évité : intégrer un poste d'ouvrier dans une usine de la marque Lincoln.
Il entend très vite se consacrer à sa nouvelle passion : l'écriture de chansons. Il profite de ses sœurs Anna et Gwen. Celles-ci sont très intéressés par la musique et fréquentent les musiciens. Ces derniers sont attirés par la séduction des filles Gordy, qui en profitent pour leur présenter leur jeune frère, en disant qu'il est songwriter...
Malgré quelques tubes, comme le "Reet Petite", interprété par Jackie Wilson, Gordy comprend que l'auteur ne touche pas grand chose lors du succès d'un disque mais que les maisons de disques empochent la majeure partie des bénéfices. Il voit sa sœur Gwen et son compagnon, Billy Davis, montrer l'exemple en fondant le label Anna Records. Dont le premier succès, "Money, (That's What I Want) est interprété par Barrett Strong et composé par... Berry.
Hitsville U.S.A. : la Production Line Motown
Un modèle d''organisation
Le funk dans son jus : de brillants musiciens dans l'anonymat du Studio A
James Jamerson, le "Tormented Genius" et sa Funk Machine
Nous retiendrons son enseignement, tel qu'il le confia à son fils, à propos du manche encrassé de sa basse : "the dirt keeps the funk".
Diana Ross et The Sound of Young America
Il n'y a pas que les Supremes, tous les artistes étaient supposés suivre ces cours trois fois par semaine (certains les séchaient, il faut bien l'admettre)...
Diana Ross & The Supremes - Baby Love
jeudi 19 novembre 2009
Norman Whitfield aux commandes : l'avènement de la psychedelic soul
Au sein d'un groupe dont on disait qu'il était composé de cinq leads...
Les Temptations
"No matter how hard you try
You can't stop me now
No matter how hard you try
You can't stop me now
Yes, my skin is black
But that's no reason to hold me back
Oh think about it, think about it,
Think about it, think about it
Think about it, think about it, think about it.
I have wants and desires just like you
So move on aside cause i'm a-comin' through
Oh no matter how hard you try you can't
Stop me now
No matter how hard you try you can't stop me now.
Yes, your skin is white
Does that make you right
Walk on and think about it, think about it
Think about it, think about it
Think about it, think about it, think about it.
This is a message, a message to y'all
Together we stand divided we fall
Black is a color just like white
Tell me how can a color determine whether
You're wrong or right
We all have our faults yes we do
So look in your mirror (Look in the mirror)
What do you see? (What do you see?)
Two eyes, a nose and a mouth just like me.
Oh your eyes are open but you refuse to see
The laws of society were made for both
You and me
Because of my color I struggle to be free
Sticks and stones may break my bones
But in the end you're gonna see my friend
Say it … (No matter how hard you try you can't stop me now)
Say it … (No matter how hard you try you can't stop me now)
Say it loud! I’m Black and I’m Proud!
(No matter how you can’t stop me now.)
Say it loud! I’m Black and I’m Proud!
(No matter how you can’t stop me now.)"
Qui a dit qu'une pop song n'avait rien à dire ? Parvenir à faire un tube d'une chanson qui décrit les structures familiales mises à mal par l'absence du père est, reconnaissons-le, sacrément osé (surtout quand l'intro instrumentale s'éternise plus de 4 minutes avant que les voix n'entrent en scène). Car c'est bien cela le sujet de "Papa was a Rolling Stone". La démission paternelle n'est pas propre aux familles noires américaines, comme l'ont montré les travaux de l'anthropologue Oscar Lewis, mais elle est inscrite ici dans ce contexte particulier à travers la figure emblématique du rolling stone, vagabond, magnifique ou complètement paumé selon le point de vue, buveur et coureur de jupons. La chanson raconte les interrogations d'un jeune garçon concernant cette figure paternelle qu'il ne connaît que par les rumeurs négatives circulant sur son compte et qui somme sa mère de lui dire la vérité sur cet homme.
"It was the third of September.
That day I'll always remember, yes I will.
'Cause that was the day that my daddy died.
I never got a chance to see him.
Never heard nothing but bad things about him.
Mama, I'm depending on you, tell me the truth.
And Mama just hung her head and said,
"Son, Papa was a rolling stone.
Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."
"Papa was a rolling stone, my son.
Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."
Well, well.
Hey Mama, is it true what they say,
that Papa never worked a day in his life?
And Mama, bad talk going around town
saying that Papa had three outside children and another wife.
And that ain't right.
HEARD SOME talk about Papa doing some store front preaching.
TalkIN about saving souls and all the time leeching.
Dealing in debt and stealing in the name of the Lord.
Mama just hung her head and said,
"Papa was a rolling stone, my son.
Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."
"Hey, Papa was a rolling stone.
Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."
Hey Mama, I heard Papa call himself a jack of all trade.
Tell me is that what sent Papa to an early grave?
Folk say Papa would beg, borrow, steal to pay his bill.
Hey Mama, folk say that Papa was never much on thinking.
Spent most of his time chasing women and drinking.
Mama, I'm depending on you to tell me the truth. Mama looked up with a tear in her eye and said,
"Son, Papa was a rolling stone. (Well, well, well, well)
Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."
"Papa was a rolling stone.
Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."
"I said, Papa was a rolling stone. Wherever he laid his hat was his home.
(And when he died) All he left us was ALONE."